451 - Deuxième passage du Canal de Panama
30-31 mars 2014 - Canal de Panama - Panama
1er jour
Comme tu l’as sans doute remarqué, lecteur attentif, on a zappé la journée du 29 mars. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu’il n’y a rien à raconter, alors, puisque nous sommes cohérents, on ne te raconte rien !
Nous voilà donc dimanche, et c’est au tour de Kouunji de s’élancer vers le plus grand océan du monde.
On arrive vers 15 heures sur le flat, après avoir embarqué notre équipage hétéroclite : Reinaldo, Pedro et Paul.
Hétéroclite car si les deux premiers connaissent leur boulot, le dernier en revanche a moins d’expérience que nous, puisque c’est un puceau du Canal ! C’est sa première fois ! Ca promet...
Les bateaux voisins récupèrent leur “adviser” vers 17 heures, et le pilote de la navette s’excuse d’avoir oublié le nôtre...! Ca nous fait une belle jambe.
Une heure et quart plus tard, on embarque Roy, qui va nous conseiller pendant notre première partie de trajet. Il est sympa et parle doucement, ça baigne.
Sauf que doucement est le maître mot de notre avancée : on va doucement à la première écluse de Gatun (qui est triple, on te rappelle), on fait des ronds dans l’eau doucement pendant deux heures, car le programme initial, une fois n’est pas coutume, est modifié à la dernière seconde.
Tu te demandes pourquoi l’Autorité du Canal planifie les passages, puisqu’à chaque fois, c’est toujours improvisé à la dernière minute...!
On devait passer avec deux petits monos, nous au milieu. Puis, on devait passer seuls. Finalement, on passe à couple avec un bateau de pêche Hawaïen. Il est contre le mur, nous au milieu, donc pas de risque de faire bobo à Kouunji, sauf lorsqu’on s’amarre à couple.
Belle frayeur lors de la première fois, puisque les très fortes turbulences dans l’ascenseur (une écluse n’est rien d’autre qu’un ascenseur aquatique, non ?) nous jettent sur nos compagnons.
Mais le capitaine gère les commandes et tout se passe bien.
On est au cul d’un mahousse costaud qui fait des remous dantesques !
A chaque fois, c’est du sport : il faut se détacher, s’écarter du bateau de pêche pour qu’il manoeuvre, et s’amarrer à nouveau à lui, le tout dans des tourbillons géants qui nous donnent le sentiment d’être dans un immense lavabo qui se vide !
Mais le capitaine gère les commandes et tout se passe bien.
Plus les écluses passent, et moins les turbulences sont fortes, de sorte qu’après avoir rongé notre frein plusieurs heures, on a l’illusion d’avoir monté les trois écluses de Gatun en cinq minutes !
C’est pourtant à minuit qu’on s’amarre à une bouée du lac Gatun, en retrouvant nos boat-potes de Simplicius, un équipage franco-italien voisin de Kouunji à la marina, et qui est parti un jour avant nous.
Mais, késkilfon là ?!
Luca, le malheureux skipper, est en larmes quand il nous annonce que son moteur a rendu l’âme au pire moment. Il a dû être remorqué, dépanné, et tout ça est facturé très très très très cher, et pire encore, comme il a “désorganisé le fonctionnement du canal”, s’il veut passer, dans un sens ou dans l’autre, il doit repayer !
Dégueulasse, hein ?
Ce d’autant plus qu’un voilier misérable comme les nôtres est facturé 890 $ pour un passage, alors qu’un porte containers qui trimballe des matières dangereuses est facturé... 33.000 $ !
Nous, on pense que le canal pourrait faire une fleur à Luca et répartir son nouveau paiement sur 2 ou 3 monstres qui ne sentiront pas la différence... Parce que Luca, lui, du coup, est ruiné.
Voilà un tour du monde qui s’achève de la pire des façons.
2ème jour
On se réveille à 7 heures moins 2 minutes.
On fait bien puisque notre “adviser” du jour arrive à 7 heures pile !
On retrouve avec plaisir Fernando, le pasteur de l’église évangeliste qui fait l’adviser pour gagner des sous, et qui nous avait guidés jusqu’au lac Gatun la première fois. Génial !
On met les bouts illico, puisqu’on a rendez vous à l’écluse de Pedro Miguel à 13 heures 40.
On passera finalement à 16 heures...! Quand on te dit que tout est improvisé à la dernière minute !
Cette fois-ci, c’est à couple avec un bateau français, Zao, que nous franchissons les trois dernières écluses : celle de Pedro Miguel, puis les deux de Miraflores.
On s’entend comme larrons en foire, les bateaux marchent très bien ensemble, et nonobstant l’attente interminable, tout se fait les doigts dans le nez, ce qui te démontre que passer ce fichu canal n’est pas compliqué du tout, dès lors que tu fais preuve d’un peu de bon sens, de prévoyance, et que tu suis scrupuleusement les consignes de ton “adviser”.
Quand il est bon...!
Le nôtre l’est, heureusement, car notre équipage ressemble plus aux Pieds Nickelés qu’aux Trois Mousquetaires : portable et cigarette rivés à la main, consommation effrénée de Coca, y’en a même un qui a vomi son repas du soir sans rien dire à personne.
Si les gars ont le mal de mer sur le canal ou sur le lac, faut qu’ils changent de job, c’est sûr !
Et pour couronner le tout, on découvrira après leur départ qu’ils ont copieusement tapé dans le frigo en loucedé, alors que le Pimousse en a soigné deux sur trois et qu’on a les bichonnés... Ces salopards nous ont même réclamé un pourliche que, fort heureusement, on ne leur pas filé !
Bref, comme il aura fallu attendre un géant d’acier à chaque écluse, on a perdu un temps précieux, et au final, on arrive trois heures plus tard que la première fois, alors qu’on est partis deux heures plus tôt...!
Cherche l’erreur !
Nous voilà donc avec deux passages du canal de Panama à notre actif, ce qui, tu en conviendras, n’est pas si mal, puisque le marin lambda se contente de passer une fois, ce qui démontre qu’il n’est doté d’aucune originalité ni d’aucun sens de la fantaisie.
Nous, on trouve beaucoup plus rigolo de faire les choses en double, ce d’autant qu’au final, cette deuxième traversée ne ressemble guère à la première.
L’émotion est cependant bien là sous le pont des Amériques, et encore plus là quand on retrouve à La Playita, notre mouillage du soir, Cécile et Joni, nos boat-potes de Contre Temps, qu’on avait quittés à Curaçao, voilà quatre mois et demi. Larmichette de rigueur, of course !
Ils ont commencé à réparer leur bateau, après avoir collectionné les emmerdements ces dernières semaines, et on les retrouve un peu retapés, avec un moral en hausse alors que certains avaient parié sur un suicide en règle.
Mais pas nous !
Bref, on apprécie, et on va faire un gros dodo, car on est complètement exténués.
Mais pas mécontents d’être là où on est : on est dans le Pacifique, putain !
Youpi !