479 - R.E.R. : Ralentissement Et Rencontres
24 - 30 juin - Rikitea - Mangareva - Îles Gambier
24 juin
On est contents.
Pourquoi ? demanderas tu, lecteur curieux...
Eh bien parce qu’on a trouvé un bon rythme. Un rythme lent. Un rythme idéal pour des croisiéristes comme nous.
Tu sais combien on déplore d’avoir parcouru les Antilles si vite, même si, parallèlement, on se réjouit d’avoir vu autant de choses.
Ici, en Polynésie, la lenteur s’impose. D’abord parce que d’un archipel à l’autre, les distances sont immenses. On est à 1.000 milles des îles de la Société, et à 1.000 milles des Marquises.
Ensuite parce que, de toute façon, tu n’as pas envie d’aller vite. Ce serait hérétique, et si on était encore au Moyen-Age, on te foutrait sur le bûcher pour te faire cuire à point histoire de t’enseigner que l’homme heureux vit lentement.
Notre décision est désormais (presque) prise de buller ici quelques mois, avant de monter aux Marquises. Les Tuamotus et les îles de la Société, ce sera pour plus tard. Ce qui nous convient, car on a un peu le sentiment qu’on va y aller crescendo.
On pense (mais a-t-on raison ?) que les Gambier, c’est certainement ce qu’il y a de moins spectaculaire en Polynésie, et qu’ensuite, on va progressivement monter d’un cran à chaque étape.
Si on se gourre, on fera notre mea culpa, te bile pas lecteur, notre fierté est au-dessus de ça !
A part ça, le Wi-Fi chez Yves a chauffé, on a vu sa fille participer au concours de danse de Tahiti (magnifique), ses poules font des oeufs, nous on fait de l’eau, et le Pimousse a assurément une tête à chapeau.
Juste ce qu’il faut pour meubler une journée grise mais plaisante.
25 juin
Notre vie a quelque chose de très agréable.
Chaque matin, au réveil, on ne sait absolument pas ce qu’on va faire.
On a donc une surprise tous les jours. Même si, au final, tous les jours, c’est à peu près pareil.
Comme disent les Thaïlandais : “same, same, but different”, ce qu’on pourrait traduire par “pareil, pareil, mais différent”...
Pour convertir en mots cette impression, ce n’est pas facile, mais on va essayer. L’important, c’est qu’il n’y a pas de lassitude. Notre emploi du temps est répétitif, mais il n’est pas rébarbatif.
Belle formule, hein ? Ca résume tout. T’as pigé ? On espère...
Si t’es trop gland pour avoir compris, vas lire autre chose que ce blog ! Pas question pour nous de se rabaisser à ton niveau pour que tu te crois intelligent...!
26 juin
Le capitaine ne peut pas s’en empêcher : faut qu’il joue les saint-bernards chaque fois qu’il peut.
Un tocard de psy dirait qu’il est en quête permanente de reconnaissance parce que sa mère ne l’a pas assez valorisé lorsqu’il était enfant.
Les psys sont des ânes ! Sur Kouunji, on est serviables, parce qu’on connait toute la valeur d’un coup de main quand on en a vraiment besoin...! Et n’oublie pas, lecteur, que ce qui est vrai à terre l’est encore plus en mer.
C’est Jacques, notre voisin sexagénaire, qui navigue en solo, qui a bénéficié de l’aide du capitaine. Jacques, c’est un vieux briscard des mers, qui arrive du Chili sur son mono (un Amel de 10 mètres). Respect, parce que faire un truc pareil en solitaire, alors qu’il n’a plus 20 ans, c’est drôlement balaise !
Et comme Jacques part en France trois mois, il sécurise son bateau, en jetant une seconde ancre. Son annexe ayant dû cesser d’être opérationnelle à la fin du siècle dernier, il lui est impossible d’aller porter ladite ancre à l’avant de son bateau. Alors on y va à sa place.
Finalement, le capitaine repart du p’tit Amel avec une version numérique de l’intégrale de Rahan.
Comme quoi, un bienfait n’est jamais perdu !
On souhaite pour terminer un joyeux anniversaire à Karine, la Toulousaine.
27 juin
Tu nous verrais faire la popotte, tu serais jaloux, lecteur. Notre purée de fruit à pain au lait de coco, c’est une tuerie !
Et crois nous, on ne se prive pas pour s’empiffrer, parce que la bouffe n’est pas ce qu’il y a de mieux aux Gambier. Les produits sont rares, chers, et c’est donc un impératif que de s’adapter aux usages locaux.
Parce que si tu veux becqueter de la barbaque tous les jours, ton porte monnaie va être aussi saignant que ton steak !
A part une ballade express à terre pour aller récupérer nos mails et en expédier - à ceux qui le méritent - on a bullé féroce, et Yves est venu nous rendre une p’tite visite à bord, ce qui fait toujours plaisir.
Nous, on est friands (décidément) d'histoires sur les Gambier, et Yves en a à revendre. On est faits pour s’entendre ! Continue à nous régaler, Yves !
Hormis ça, happy birthday Marie Laure ! Pour cet anniversaire, demande à ton mari de te payer des vacances en Polynésie et viens nous voir ! Même si tu viens avec lui, on t’acceptera à bord !
28 juin
Ce jour est un grand jour, puisque c’est celui du retour des Bohémiens à Rikitea. Nos amis nous manquaient.
On est donc drôlement contents de les retrouver, tellement d’ailleurs qu’on ne va pas les lâcher d’une semelle, depuis leur descente de la navette qui les ramène de l’aéroport situé sur l’île voisine de Totegegi, jusqu’à ce qu’ils aillent se pieuter.
C’est tout juste si on ne les a pas bordés...!
En les attendant, on a passé la journée “Chez Jojo”, à discuter avec des gens de tous horizons. C’est fou tous les copains que tu peux te faire quand tu voyages en bateau. Il y a évidemment les équipages des autres bateaux, mais aussi les gens à terre, qui sont épatés quand on leur raconte nos aventures.
Nous, à force, on ne se rend plus compte. On a traversé la moitié du monde à la voile, mais on n’a pas le sentiment d’avoir fait quelque chose d’extraordinaire. On l’a fait, c’est tout. Comme d’autres avant nous.
Tout ça pour te dire qu’il règne une ambiance de franche camaraderie sur cette île, et que ça nous réconcilie avec le genre humain, qu’on aurait plutôt tendance à fuir quand on effectue des périples comme le nôtre...
N’y a-t-il pas un paradoxe à fuir le monde et se réjouir parallèlement de faire des rencontres ?!
29 juin
Nous poursuivons notre réconciliation avec le genre humain. Et ce grâce à Greg et Mao, deux copains d’enfance que la vie a réunis en Polynésie, et dont on fait la connaissance tout à fait par hasard, tandis qu’on déambule au matin sur l’unique route de l’île.
On boit un coup, on se marre, et une fois “Chez Jojo”, se joignent à nous Magali et Mayan, deux des équipiers du monocoque le plus cosmopolite qui existe, puisque son capitaine est allemand, le second est argentin, l’équipier israélien, et le mousse (féminin) canadien.
Quel mélange, hein ?!
On passe 3 heures à refaire le monde, et crois nous lecteur, le monde qu’on rebâtit avec eux est drôlement mieux que celui dans lequel on vit !
Passage express chez les Bohémiens, où on déguste (seuls, puisqu’ils ont déjà baffré, ces ogres !) notre poulet rôti acheté peu avant. Un délice. On continue à refaire le monde, qui est décidément de mieux en mieux.
Puis on repart chez Greg, à qui le Pimousse dispense ses meilleurs soins. Dîner avec la joyeuse équipe du midi (pizzas à gogo offertes par Greg !) et bien sûr, on finit de refaire le monde qu’on avait un peu laissé en plan.
En fin de journée, le monde qu’on a mis sur pieds n’est pas loin d’être parfait...!
Ca fait rêver...
30 juin
A force de refaire le monde tel qu’on voudrait qu’il soit, figure toi, lecteur, que ça fonctionne !
Tu sais qu’on a quelques soucis depuis notre Transpac avec notre régulateur, le bidule qui gère l’énergie solaire pour la transformer en électricité pour nos batteries.
Fort logiquement, on a interrogé notre fournisseur, Fabrice, un mec qui a sa boîte en France à deux pas de chez nous et qui est tellement sympa que c’est à se demander s’il n’a pas du sang polynésien qui coule dans les veines.
D’ordinaire, un gars à qui tu as acheté un truc qui foire essaye de se disculper. Il te dit que tu l’as mal entretenu, que tu l’as mal installé, que tu es un manche, bref, il te honnit et toi tu le maudis.
Fabrice, lui, n’est pas comme ça.
D’abord, il s’est excusé de ne pas nous avoir suggéré de prendre un régulateur de rechange. Pourtant c’est nous qui aurions du y penser. C’est à nous et à personne d’autre qu’incombe la responsabilité d’embarquer tout ce qu’il faut.
Ensuite, il nous envoie la documentation relative à un nouveau régulateur, tellement mieux que le précédent qu’on dirait de la science fiction !
Enfin, quand on lui demande le prix, il nous répond qu’il nous l’envoie et qu’on le remboursera “quand on pourra”...!
Alors lecteur, on te pose la question : as-tu déjà eu affaire à un mec aussi sympa ?
Nous, en ce qui concerne le bateau, ja-mais ! Fabrice, merci !
T’aurais vraiment ta place en Polynésie !
Parce que les Bohémiens ont eu droit à la même chose ou presque. Gros problème électrique à bord, Jipé a besoin de l’aide d’un pro.
Il en trouve un à terre qui est venu, l’a aidé, a résolu son problème avec lui, et est reparti sans rien demander.
On se prend à penser qu’à force de refaire le monde, l’altruisme va prendre le pas sur l’égoïsme, que l’humain va supplanter l’économique, et que la sagesse anéantira la connerie...
C’est pas gagné, mais y’a de l’espoir !