559 - Boucherie
25 février - Taiohae - Nuku Hiva - Iles Marquises
Tu es déjà rentré dans une boucherie, lecteur, n’est ce pas ?
Mais toujours en tant que client, et jamais à la place de l’animal qui va se faire dépecer pour finir en steak dans ton assiette...
Le capitaine, qui n’a peur de rien, a donc tenté pour toi cette expérience que seul le grand voyage peut t’enseigner, parce que les hôpitaux aux alentours de chez toi pratiquent seulement la médecine, pas la torture...!
Après une bonne session internet “Chez Henri”, et un bon repas light pour pas cher, nous voilà partis à l’hôpital de Nuku Hiva, qui a bonne réputation aux Marquises.
En même temps, c’est le seul de l’archipel, donc c’est forcément le meilleur. Ou le pire, ça dépend de quel point de vue on se place.
Là, le capitaine avise le chirurgien en chef, et lui exhibe fièrement un drôle de grain de beauté qui orne ses abdominaux sculptés façon tablette de chocolat, qui font la fierté du Pimousse et font se pâmer d’admiration les jouvencelles pré-pubères !
Le capitaine complète l’info du toubib en lui expliquant qu’il a vu un de ses confrères en métropole, et que ce dernier lui a recommandé de pratiquer l’ablation du grain de beauté en question, ce que le capitaine a pris très au sérieux.
Le grand chef de la chirurgie de Nuku Hiva, qui avoue s’emmerder profondément dans cet hosto où il n’y pas grand chose à faire (les malades, au moindre pépin, préfèrent se faire “évasaner” à Tahiti, ça leur fait un voyage gratos payé aux frais de la Sécu !) saute sur l’occasion de s’occuper un peu les mimines, et enfile illico presto des gants en latex, en intimant au capitaine l’ordre de le suivre au bloc opératoire !
Le Pimousse, qui patiente à côté pour une consultation, n’est même pas là pour assister au carnage qui va débuter.
Tant mieux, y’aurait eu de l’évanouissement dans l’air.
Le capitaine s’allonge sur la table d’opération, pendant que l’émule du Dr Mengele s’empare de son scalpel, bien décidé à charcuter la barbaque bien fraîche qu’il a à disposition.
Euh, dis donc mec, ça te ferait rien de m’anesthésier avant de me découper la couenne ?
Le boucher, sentant qu’il a failli commettre un impair, expédie dans les profondeurs sous cutanées du capitaine un produit censé lui abolir les sensations.
Après 2 minutes d’attente, l'équarrisseur, qui trépigne d’impatience armé de son scalpel et d’une pince qui va bien, attrape le grain de beauté objet de ses projets les plus immédiats, pour demander au capitaine s’il sent quelque chose.
Compte tenu de la réponse très affirmative qui lui est faite, il relâche sa future victime, l’air contrit, dépité de ne pouvoir jouer de la lame sur la peau de ton auteur favori. Il fait un effort surhumain pour attendre 30 secondes de plus, mais tu sens bien que le mec est aussi nerveux qu’un pur-sang gavé d’EPO au départ du Prix de l’Arc de Triomphe !
Il s’empare à nouveau de la bidoche du capitaine, et demande sur un ton qui exige un “oui” franc et massif : “je peux y aller ?”
Sans attendre, les yeux à moitié exorbités et un filet de bave à la commissure des lèvres, il entame la chair capitainesque avec un sourire extatique qui trahit l’intensité de son plaisir.
Le grain de beauté étant aussi petit qu’on peut l’être, l’incision devrait être rapide. Que nenni ! Le sadique prend son temps, regarde, admire, s’extasie, devant la chair qui s’ouvre, se déforme, saigne abondamment. Il est aux premières loges, il est le metteur en scène de son spectacle favori, il jubile, il pavoise, il s’émerveille.
Le capitaine aussi, sauf que ce sont pour des raisons diamétralement opposées. Car les sensations sont parfaitement là, et c’est tout de même un peu étrange de se faire découper façon steak tartare par un excité du bistouri en ressentant avec une acuité parfaite la peau se scinder en deux sous l’attaque du métal froid...
Mais rendons grâce au boucher de Nuku Hiva, il fait tout ça très proprement, et après avoir épongé les deux litres de sang qui se sont échappés du ventre béant du malheureux capitaine, il recoud le tout avec une précision que lui envierait Coco Chanel.
Y’a des jours, le grand voyage prend des tournures inattendues...!